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14 février 2017 2 14 /02 /février /2017 18:00

Éditions Tallandier, 2017

 

 

 

Nous avions déjà chroniqué sur ce site cet ouvrage, dans le quel Bevin Alexander démontre l’universalité et l’applicabilité des principes stratégiques énoncés par Sun Tzu dans son Art de la guerre, sur une période s’écoulant de la bataille de la campagne de Saratoga (1777) à la guerre de Corée (1950-1953). Les Éditions Tallandier republient aujourd’hui Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles au sein de leur collection Texto, dans un format plus petit, plus proche du poche. Reprenant la très bonne traduction de Jacques Bersani, cette nouvelle version propose en fin de livre d’abondantes notes explicatives qui viennent approfondir les enjeux exposés au fil des conflits traités. Voilà un panorama tactique et stratégique constituant un excellent complément de compréhension de l’approche indirecte chère à Liddell Hart, et qui, de plus, nous éclaire sur certaines opérations militaires un peu oubliées comme les batailles de Saratoga (septembre-octobre 1777) ou l’opération amphibie d’Incheon (septembre 1950).

 

 

Par Matthieu Roger

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31 août 2015 1 31 /08 /août /2015 11:57

Le Point Références, hors-série mai-juin 2015

Surfant sur la mode des publications consacrées à l’histoire militaire, Le Point a publié en mai dernier un hors-série intitulé Séduire, manipuler, vaincre. Scindé en deux grandes parties d’une quinzaine d’articles chacun, il porte dans un premier temps sur les techniques de persuasion permettant de « Vaincre en temps de paix ». L’autre moitié de ce hors-série se penche elle sur comment « Vaincre en temps de guerre ». C’est cette seconde partie se focalisant sur les plus grands stratégistes militaires que nous commentons ici.

 

Il est clair que Séduire, manipuler, vaincre a pour objectif de vulgariser les principaux courants de la stratégie militaire. Le format court des articles, à savoir une double page maximum, ne se prête pas aux grandes analyses, ceux-ci se rapprochant plus d’une page Wikipedia que d’une synthèse argumentée. Il n’en reste pas moins que la période couverte est vaste, de Homère jusqu’à David Galula, et met en lumière des noms trop souvent oubliés : Végèce, Yamamoto Tsunetomo, Lafcadio Hearn ou bien encore Roger Trinquier. Des extraits de textes viennent systématiquement illustrer les présentations des théories de ces penseurs. Sauf que la vulgarisation a ses limites, et que la matière textuelle est loin d’être  au niveau d’une véritable démarche de recherches. À ce petit jeu des notices biographiques et livresques, autant  rouvrir tout de suite l’excellent Dictionnaire de stratégie militaire de Gérard Chaliand (2008, Robert Laffont), bien plus exhaustif et complet. Ne joue pas dans la cour des grands qui veut ! L’intention d’introduire et présenter les textes fondamentaux de la stratégie militaire est plus que louable, l’intention étant à l’évidence de toucher le public néophyte. Mais il aurait été préférable de naviguer plus en profondeur dans les méandres des concepts et contextes historiques.

 

 

 

Par Matthieu Roger

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22 septembre 2014 1 22 /09 /septembre /2014 10:07

Éditions Economica, 2014 (2e édition)

 

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Tactique générale est la version abrégée du manuel de doctrine tactique de l’armée de Terre française. Il n’est point question ici d’exposer des études de cas ou autres exercices tactiques appliqués, mais bel et bien de récapituler le vocable usité aujourd’hui au sein de l’état-major et des rangs de l’armée française, et de le structurer en une pensée doctrinale claire et concise. De fait, ce petit manuel théorique permet de mieux mettre en perspective les projections récentes de l’armée française sur des théâtres extérieurs tels que l’Afghanistan, le Tchad, la Lybie, le Mali, etc. Alors qu’aujourd’hui les forces armées étatiques des grandes puissances s’engagent de manière quasi systématique dans des conflits asymétriques l’exemple le plus récent étant le déclenchement annoncé par François Hollande de frappes en Irak contre le Daesh , la variété des tempos de déploiements ne peut faire l’économie d’un cadre tactique à la fois adaptable et fonctionnel. Le Général de corps d’armée Bertrand Clément-Bollée ne s’y trompe pas, lorsqu’il rappelle dans sa préface que les théâtres d’opérations actuels de l’armée française, malgré des contextes politiques, physiques et géostratégiques différents, présentent à l’échelle tactique des similitudes fortes : « impératif de protection de la force, numérisation, intégration interarmes et interarmées aux plus bas niveaux d’exécution, dureté des combats ». D’où une volonté affirmée, en profitant de la supériorité logistique et technique qu’offre notre puissance militaire nationale, de revendiquer l’offensive comme moyen privilégié de rupture du réseau tactique ennemi : « Au combat, le succès est obtenu par l’action offensive. Même dans la défensive, toute occasion doit être saisie pour prendre l’initiative et passer à l’offensive » (p. 96-97). En effet, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour prendre l’ascendant et la maîtrise de la situation, en imposant son rythme et ses initiatives à l’adversaire. Ce postulat est un corolaire de « l’accélération générale du cycle information, conception, décision, action ».

 

On notera la présence bienvenue de focus historiques illustrant tel ou tel point théorique, comme par exemple la bataille de Malplaquet (1709), la manœuvre israélienne d’Abou Agheila (juin 1967) ou la neutralisation allemande de l’Opération Goodwood (juillet 1944). On les aurait aimés un peu plus nombreux. Dans la même collection Stratégies & Doctrines, vous pouvez également vous référer à L’utilité de la force L’art de la guerre aujourd’hui, du général Rupert Smith, déjà chroniqué sur ce site.

 

 

 

Par Matthieu Roger

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4 avril 2014 5 04 /04 /avril /2014 22:06

Éditions Tallandier, 2014

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Michel Goya, ancien officier d’active de l’armée française, directeur du bureau Recherche au Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de terre et  collaborateur permanent de la revue Guerres & Histoire, livre avec Sous le feu une analyse extrêmement fine de la place du soldat au milieu des combats. Comme le rappelle l’auteur, « l’étude du comportement au combat est devenue après-guerre un monopole des Anglo-Saxons, depuis les observations réalisées sur les troupes américaines et allemandes durant la Seconde Guerre mondiale par Morris Janowitz et Edward Shils, S.L.A. Marshall et Samuel Stouffer, ou plus tard par des auteurs comme Charles Moskos, Dave Grossman, Richard Holmes ou John Keegan » (p. 19-20). Le sous-titre plus qu’évocateur de l’ouvrage, La mort comme hypothèse de travail, ne laisse aucun doute sur les dangers qui contraignent de manière permanente le militaire à l’échelon tactique. Très documenté, s’appuyant sur de nombreuses enquêtes et études préexistantes, illustrant son propos de nombreux exemples et citations pertinents, Michel Goya resserre sa focale sur la psychologie individuelle du combattant et la complexité du traitement en temps réel de la menace. Il faudra ainsi distinguer l’homme face à la guerre, isolé dans sa compréhension toute personnelle du conflit dans lequel il s’engage, du soldat au sein de son unité, réceptacle des pressions – non violentes ou violentes – de ses frères d’armes. Parcourant un siècle de guerres, du premier embrasement mondial aux interventions en Afghanistan et Irak, il dresse ici un panorama saisissant de la difficulté pour tout combattant à contextualiser sous le feu de l’ennemi ses propres potentialités d’actions. Le champ de bataille permet toujours une alternative, autant faut-il posséder les moyens techniques ou cognitifs pour l’appréhender dans l’immédiat. « Le combattant est un stratège, plus ou moins doué et actif, utilisant toutes ses ressources pour évoluer dans la zone de mort. Dans cet espace-temps particulier, tout est affaire de détails minuscules, qui se mesurent en centimètres ou en fractions de seconde et dont l’accumulation peut faire la différence entre la vie et la mort. » (p. 117) Le soldat opère ainsi constamment des choix, en fonction d’objectifs aussi divers et variés que l’annihilation de l’ennemi, le respect des ordres ou bien tout simplement la survie.

 

Une armée n’est pas qu’une juxtaposition d’hommes en armes, elle constitue en fait l’agrégat de différents groupes dont les capacités de nuisance à l’échelle tactique confèrent à l’ensemble sa puissance de frappe. Sous le feu se démarque selon moi des autres ouvrages de tactique militaire par la clairvoyance de son auteur, capable de convoquer avec lucidité et sans forfanterie son propre vécu du champ de bataille, afin de mettre en relief les facettes à double tranchant du tueur « éduqué » qu’est appelé à devenir tout soldat. Notons en fin d’ouvrage une bibliographie particulièrement fournie et très utile, où l’on retrouve entre autres Batailles d’Hervé Drévillon (Points, 2009), Un balcon dans la forêt de Julien Gracq (José Corti, 1958), Anatomie de la bataille de John Keegan (Tallandier, 2011), ou bien encore Feu et sang et Orages d’acier d’Ernst Jünger, déjà chroniqués sur ce site.

 

 

Par Matthieu Roger

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9 juin 2013 7 09 /06 /juin /2013 12:57

Éditions Perrin, 2012

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Voilà un petit livre qui mérite indéniablement que l’on s’y attarde. Laurent Henninger, chargé d’études à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem), membre du comité de rédaction du magazine Guerres et Histoire, et Thierry Widemann, également chargé d’études à l’Irsem, y décortiquent en cinquante articles la notion de guerre, son histoire, ses évolutions saillantes et toutes ses acceptions connexes. Rejetant d’emblée toute prétention à l’exhaustivité, ils entendent ici proposer « un parcours du phénomène guerrier, à l’issue duquel la nature et les implications de celui-ci seront devenues plus évidentes, et les concepts plus précis », et délivrer ainsi un « court manuel d’initiation à l’histoire militaire et à la pensée stratégique en général » (p. 9). Chaque article ne dépasse pas les trois pages, ce qui rend la lecture de ce livre au final très rapide, bien qu’on n’ait jamais l’impression que les différents sujets évoqués soient survolés. Le exposés des deux auteurs, répartis en trois grands chapitres intitulés « La guerre et l’État », « L’art de la guerre » et « Les hommes et les armes », s’avèrent concis mais toujours riches en références et pistes de réflexions. Même si ce livre est à l’évidence destiné au grand public curieux de la chose militaire, le connaisseur en stratégie ou histoire militaire n’en trouvera du plaisir à repenser la guerre au moyen des focales originales proposées par les deux auteurs. Je pense notamment, entre autres, aux articles traitant de la « Sanctuarisation », des « Blocages et enlisements », de « L’insaisissable réalité du choc », de « La virtus », ou bien encore des « Armes en système ». Autant de portes d’entrée et de sorties replaçant les principales étapes de la pensée stratégique dans le contexte cutlurel ayant permis leur émergence. Comprendre la guerre nous fait alors saisir la nécessité de replacer la guerre à l’intersection des différentes sciences sociales : histoire, sciences politiques, économie, anthropologie, etc.

 

 

Par Matthieu Roger

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 21:16

Éditions Argos, 2013

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Explorer toutes les ramifications de la notion de stratégie en seulement 555 axiomes, tel est le pari fou que relève Hervé Coutau-Bégarie dans ce Bréviaire stratégique. Mais précisons avant tout chose, pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, que celui-ci est un grand Monsieur de la pensée stratégique. Comme l’indique Olivier Zajec dans sa préface, Hervé Coutau-Bégarie, décédé en 2012, n’était autre que « le plus grand spécialiste de la stratégie navale en France, d’ailleurs reconnu comme tel par ses collègues étrangers ». Et de rappeler l’œuvre colossale de celui qui fonda l’Institut de Stratégie Comparée, devenu en 2010 l’Institut de de Stratégie et des Conflits : 25 ouvrages personnels, 12 directions d’ouvrages collectifs, 73 articles et chroniques de presse, 42 préfaces, 93 articles de revues, 200 comptes rendus d’ouvrages, et la liste est loin d’être finie ! Le plus fort reste que la qualité fut toujours au rendez-vous de la quantité, tant Coutau-Bégarie se distingua par la pertinence de ses analyses et la profondeur encyclopédique de ses connaissances.

 

Son Bréviaire stratégique fait œuvre de définition au sens premier du terme, dans la mesure où il explore tous les faisceaux de sens, sans exception, qui constituent la pensée stratégique militaire. En enchaînant 555 axiomes exprimés simplement en une ou deux phrases, l’auteur développe une pensée stratégique complète, multiple et panoramique de l’art de la guerre. Il enchaîne les concepts avec une clarté et une concision bluffantes, sans jamais oublier d’énoncer ses sources et ses références théoriques. Dix chapitres (« De la stratégie pure », « De la science stratégique », « De la méthode stratégique », « Des principes stratégiques », « Des cultures stratégiques », « De l’art stratégique », « De la stratégie nucléaire », « De la stratégie maritime », « De la stratégie maritime », « De la stratégie aérienne », « Du stratège ») viennent scander cette marche en avant vers l’essence de la stratégie, à savoir l’étendue infinie des frictions venant perturber et complexifier l’état de guerre. Si les 555 principes ainsi énoncés ne constituent pas en soi des solutions intangibles, elles suggèrent au stratégiste l’état d’esprit dans lequel celui-ci doit chercher la solution. Soulignons tout de même que seuls les lecteurs munis de connaissances solides en histoire et stratégie militaires seront à même d’apprécier la multiplicité des références et des renvois théoriques présents à chaque page. Voilà qui vient justifier le soixante-quatorzième axiome de ce Bréviaire stratégique : « Il appartient à chacun de constituer sa bibliothèque stratégique personnelle, dans laquelle il puisera les éléments de sa "boîte à outils" conceptuelle (Poirier). » (p. 37). Un conseil que n’ont pas fini de suivre Les lectures d’Arès…

 

 

Par Matthieu Roger

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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 18:38

In Machiavel – Œuvres complètes, Bibliothèque de La Pléiade, Éditions Gallimard, 1952

 

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Écrit entre 1519 et 1520, L’art de la guerre se présente comme un manuel des affaires militaires à destination du prince italien, d’où sa forme discursive. Nicolas Machiavel, dont je n’aurai pas ici l’impudence de rappeler l’influence sur les sciences politiques du XVIe siècle jusqu’à nos jours, y dispense les conseils susceptibles d’animer la virtù de tout général en chef. Par virtù, concept central de la pensée machiavélienne, il faut entendre la capacité humaine, éminemment politique, à s’adapter et à influer sur le cours des événements.

 

La lecture de L’art de la guerre peut parfois s’avérer fastidieuse, notamment lorsque l’auteur s’attarde à nous décrire par le menu sa composition idéale d’une armée, bataillon par bataillon, ou encore la manière de dresser un camp, avec les emplacements précis de chaque tente ou corps de garde. Heureusement la traduction proposée par La Pléiade ne tombe jamais dans le poussiéreux, et ravive la nature moderne de ce discours. La plume de Machiavel résume ainsi avec clarté tous les aspects quotidiens de l’ordonnancement militaire : l’armement, l’exercice des soldats, les dispositions tactiques, la garde d’un camp, le rôle des officiers, la manière d’organiser et d’assiéger les fortifications, les ruses de guerre, etc. Par ailleurs, n’oublions pas que Machiavel milite pour la constitution permanente d’une milice nationale de métier, seule armée capable, à ses yeux, d’assurer une certaine pérennité du pouvoir militaire. Cette milice nationale doit être composée prioritairement d’infanterie (piquiers, gens d’armes, vélites) : « il est hors de doute que le nerf d’une armée est l’infanterie ». Si cela ne l’empêche pas d’aborder de temps à autre l’utilisation de la cavalerie ou de l’artillerie, son ouvrage pêche dans l’absence d’une réelle pensée interarmes, enjeu qui se dégageait pourtant alors du conflit géographiquement proche de la Guerre de Cent Ans. À cette limite géographique de L’art de la guerre machiavélien, dont l’efficience est forgée dans le contexte historique des rivalités entre principautés italiennes, s’ajoute le peu de variété de ses sources d’influence. Le penseur florentin s’inspire en effet quasi exclusivement des méthodes de l’armée romaine antique, qu’il érige en exemple suprême. L’art de la guerre romain a bien sûr beaucoup de choses à nous apprendre, mais l’on peut toutefois regretter que Machiavel n’ait pas convoqué des exemples stratégiques tirés d’époques et de civilisations plus diverses. Il n’en reste pas moins qu’il relie ici de manière assez talentueuse les enjeux politiques du pouvoir régalien à l’impératif de professionnalisation des armées.

 

 

 

Par Matthieu Roger

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4 novembre 2012 7 04 /11 /novembre /2012 16:22

Bimensuel édité par Mondadori France

 

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À mettre en exergue dans ce neuvième numéro de Guerres & Histoire la très intéressante interview de Bruno Colson par Laurent Henninger, qui traite de la pensée militaire du Suisse Antoine Henri de Jomini. Ce dernier fut plusieurs années chef d’état-major du maréchal Ney, avant de passés aux alliés combattant Napoléon en 1813. C’est lui qui a diffusé et fait la publicité du terme de « stratégie », même si celui-ci fut en fait forgé au XVIIIe siècle par le théoricien français Joly de Maizeroy. Surtout connu pour son Précis de l’art de la guerre, Jomini a également écrit un Traité des grandes opérations militaires, en se basant sur ses observations recueillies tout au long des guerres de la Révolution et du Ier Empire. Selon Bruno Colson, la postérité de l’œuvre de Jomini est immense, puisque le Suisse a fortement influencé l’enseignement militaire des XIXe et XXe siècles, notamment outre-Atlantique. Au bout du compte, « il reste l’homme d’une seule idée, qui peut se résumer ainsi : il faut masser plus de forces que l’ennemi sur un point décisif ».

 

Je voudrais également mettre en avant « Denain, la manœuvre du miracle », écrit par Guillaume Lasconjarias, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. Cet article montre qu’en matière d’affaires militaires l’audace s’avère parfois payante, en témoigne la contremarche osée tentée contre le Prince Eugène par Villars en 1712 le long de la Selle, affluent de l’Escault. Pourtant en infériorité numérique face aux troupes néerlandaises, les attaques vigoureuses portées en colonnes – disposition rare à l’époque – sur les fortifications ennemies permettent aux Français d’emporter la mise à Denain, et de desserrer ainsi grandement l’étau qui pesait alors sur tout le nord de la France.

 

Enfin, entres autres, une double page d’Éric Tréguier nous fait découvrir les kobukson ou « bateaux-tortues », étranges navires hérissés de piques conçu à la fin du XVIe siècle par l’amiral coréen Yi pour lutter contre la flotte nipponne. Ces étonnants bateaux étaient carrément hors normes pour l’époque : blindage épais, puissance de feu inégalés des 25 canons embarqués, autonomie totale. Surprenant !

 

 

 

Par Matthieu ROGER


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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 15:42

Éditions Tallandier, 2012

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Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles : le titre de cet ouvrage résonne comme un slogan marketing placé en tête de gondoles des librairies. Mais il fallait faire fi de ce préjugé pour aller chercher ce que Bevin Alexander souhaitait nous offrir en substance. Vétéran américain de la guerre de Corée et spécialiste  de la stratégie militaire, celui-ci nous propose seize chapitres, chacun constituant un focus spécifique sur une campagne militaire de l’ère moderne. De la campagne de Saratoga en 1777 à Incheon et l’invasion de la Corée du Nord en 1950, en passant par les batailles de Gettysburg (1863) et de Stalingrad (1942), l’auteur se propose d’analyser les décisions des grands généraux à l’aune des enseignements livrés par Sun Tzu dans son célébrissime L’art de la guerre. Plus que les bons choix opératifs ou tactiques, il pointe du doigt les erreurs stratégiques qui débouchèrent sur des revers aux graves conséquences. Il ne se prive d’ailleurs pas de décrier sévèrement certains commandants qu’il juge incapables, tels Helmuth von Moltke ou Robert Lee.  Pour en revenir aux défaillances stratégiques les plus notables, il montre par exemple que c’est en contrevenant à son habitude de désaxer l’ordre de bataille de l’ennemi que Napoléon perd à Waterloo ses dernières illusions de gloire. De même le haut état-major allemand laisse-t-il échapper la victoire en 1914, parce qu’il a renié totalement l’esprit originel du Plan Schlieffen, qui prévoyait un débordement massif de l’aile gauche des armées alliées, puis leur encerclement total. Pour appuyer ses dires, Bevin Alexander se réfère constamment au principe du déséquilibre décisif provoqué par l’utilisation conjointe d’une force zheng, c’est-à-dire une force de fixation, orthodoxe, régulière, et d’une force qi, force irrégulière, de contournement. « En général, l’élément régulier correspond à la force principale, celle qui va  affronter et fixer l’ennemi, tandis que l’élément irrégulier correspond à une force moins importante, qui va attaquer l’ennemi en un endroit différent, inattendu, le plus souvent sur le flanc ou les arrières, le contraignant ainsi à se désagréger. » (p.134) Cette combinaison de deux forces aux objectifs différentes correspond au principe d’ « approche indirecte » abondamment prôné et analysé par Basil H. Liddell Hart.

 

Ce livre est une bonne surprise, dans la mesure où il nous permet d’appréhender l’art de la guerre de généraux offensifs, brillants et inspirés, comme par exemples Thomas Jonathan Jackson ou Patton. Ces deux-là avaient en effet mieux que quiconque compris cet axiome intangible énoncé en son temps par Sun Tzu : « Remporter cent victoires en cent combats n’est pas une preuve d’excellence. Ce qui est une vraie preuve d’excellence, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre. » (p. 226)

 

 

Par Matthieu Roger

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 18:13

Éditions Economica,  2012

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Avec La guerre – Une vision française, le Général Guy Hubin nous offre un nouvel exercice de réflexion, des plus salutaires, sur l’art de la guerre occidental. En une douzaine de chapitre, l’auteur, qui a effectué l’essentiel de sa carrière au sein des troupes aéroportées françaises, traverse l’histoire multiséculaire de la stratégie militaire dans un but clairement prospectif. Sans se défaire de certains partis pris clairement assumés, dont l’importance décisive de la culture militaire gréco-latine et la conviction de la qualité de l’œuvre militaire française, Guy Hubin retrace de quelle manière, au fil des siècles, la bataille s’est finalement « désintégrée en différentes parties qui ne prennent sens dans l’opération toute entière ». Si aujourd’hui le concept de bataille décisive n’est plus d’actualité, il n’en reste pas moins qu’il conditionna une grande part de l’évolution de la tactique militaire occidentale. J’ai particulièrement apprécié l’étude faite par l’auteur des guerres napoléoniennes et de la guerre de Sécession, qui incarnent respectivement la concrétisation et la mise en échec de ce concept. Par ailleurs, il rejoint Gérard Chaliand sur la prééminence de l’art de la guerre nomade durant le Moyen Âge, lorsque les hordes asiatiques, extrêmement mobiles, proposèrent une alternative extrêmement efficace au choc des corps et de l’acier promu jusqu’alors en occident. Conservant en filigrane l’histoire militaire de notre pays, Guy Hubin rappelle que les armes françaises peuvent légitimement se prévaloir de nombreux apports à la stratégie militaire occidentale : « la première armée permanente, le premier système d’artillerie opérationnel, la première administration militaire moderne, le principe du corps d’armée, les bases de l’art opératif, une compétence majeure dans l’affrontement avec l’asymétrique » (p. 255).

 

Mais cette contribution tricolore à l’Histoire avec un grand H ne peut évacuer la question de la capacité militaire française au XXIe siècle. À l’issue d’un exposé aussi pertinent que concis, l’auteur affirme la prééminence actuelle du concept d’économie des forces. Non pas dans une optique de sauvegarde frileuse d’un quelconque avantage technologique ou opérationnel, mais dans celle d’une utilisation optimale et proactive des moyens humains et matériels dont la France dispose en ce jour. Pour ce faire, alors le modèle asymétrique de la guerre convoque le double enjeu de contrôle des zones géographiques conflictuelles et des capacités de persuasion et de conviction (médias et guerre psychologique), un effort particulier doit être entrepris en ce qui concerne notre capacité à collecter et analyser tout renseignement sur l’ennemi potentiel ou déclaré, ainsi que sur son environnement. C’est la mise en actes de ces pré-requis, couplée à un nouveau volontarisme politique en faveur de la défense nationale, qui permettra d’aborder l’avenir avec optimisme.

 

La guerre – Une vision françaiseest indiscutablement à posséder dans toute bonne bibliothèque stratégique qui se respecte. Pour les lecteurs les plus curieux d’approfondir le sujet, soulignons la présence d’une bibliographie indicative en fin d’ouvrage suggérant, entre autres, certains livres déjà chroniqués sur ce blog, dont le passionnant Malplaquet d’André Corvisier ainsi que L’anthologie mondiale de la stratégie publiée par Gérard Chaliand.

 

 

 

Par Matthieu Roger

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Recherche

Rhapsodie

Mon âme et mon royaume ont pour vaisseaux les astres

Les cieux étincelants d’inexplorées contrées

Ébloui par l’aurore et ses nobles pilastres

J’embrasse le fronton du Parthénon doré

 

 

Frôlant l’insigne faîte des chênes séculaires

Je dévide mes pas le long d’un blanc chemin

À mes côtés chevauche le prince solitaire

Dont la couronne étreint les rêves de demain

 

 

Au fil de l’encre noire, ce tourbillon des mers

Ma prose peint, acerbe, les pennons désolés

D’ombrageux paladins aux fronts fiers et amers

Contemplant l’acrotère d’austères mausolées

 

 

Quiconque boit au calice des prouesses épiques

Sent résonner en lui l’antique mélopée

Du chant gracieux des muses et des gestes mythiques

Qui érigent en héros l’acier des épopées

 

 

Par Matthieu Rogercasque-hoplite